SAORGE

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Si Mgr Galvano paraît omniprésent dans les péripéties qui scandent à La Brigue la construction de l'orgue, à Saorge, le premier rôle, sans conteste, revient au Sénateur syndic Guiglia. La Fabrique ne se trouve mentionnée que pour voir signalée sa complète absence de ressources. La décision de construire un nouvel instrument, l'instruction du dossier, les paiements : toutes les pièces d'archive montrent qu'il s'agit d'abord d'une affaire communale, jusqu'à la désignation de l'organiste - d'où peut-être l'agacement perceptible du curé! L'orgue tient à cœur au syndic : de passage à Nice, il cherche à rencontrer le nouvel Intendant, occupé ou absent. Je me proposais de profiter de cette heureuse circonstance, écrit-il dix jours plus tard, le 7 décembre 1844, de Saorge, pour répéter à Votre Illustrissime Seigneurie la prière que j'avais déjà faite au bien méritant chevalier Des Ambrois avec espoir de succès, de vouloir approuver la somme portée sur le budget de l'an prochain pour l'achat d'un nouvel Orgue... Mais puisque le temps a manqué et que les circonstances m'ont privé de cette faveur, j'ose espérer qu'elle voudra me permettre que je lui expose chacun de mes désirs avec cette lettre respectueuse, et qu'elle se complaira à me faire la grâce de l'accueillir avec cette bonté qui lui est propre et avec cette bienveillance dont me favorisait le chevalier Des Ambrois envers mes prières...

Même s'il convient de faire la part au style du temps, les manières du Sénateur Guiglia montrent toujours quelque chose de fleuri, d'aucun disaient de mielleux, que nous trouvons alors bien rarement

Par quels heureux hasards et prudentes interventions l'oeuvre des Lingiardi nous est-il parvenu dans son état d'origine ?
Le 24 juillet 1878, le lombard Carlo Nava donne de Saorge un devis pour la restauration de l'orgue de Breil, qui témoigne de son respect pour l'œuvre de ses prédécesseurs. Moins sûr, paraît ce Malacria qui se voit invité le 22 octobre, à visiter le même orgue. Mais Carlo Nava gardera le chantier.
Le devis que Lorenzo Occelli adresse de Tende le 8 juillet 1886, propose un relevage complet pour 400 lire. Les problèmes de vent semblent urgents : fuite aux soufflets, dans les sommiers des contrebasses, de leur octave, des timpani. Occelli note également la révision de la mécanique, particulièrement de la terza mano. Pour un supplément de 300 lire, il placerait un pédalier sans octave courte et une soufflerie a pompa e manubrio qui rendrait le son de l'orgue plus "commode" (comodo).
Le 28 janvier 1894, le ferblantier reçoit 1,50 franc pour arranger les tuyaux de l'orgue. On relève un accord par Negri le 3 juillet 1895 (10 francs). Divers témoignages font état d'une révision dans les années 1920 (Gandini ?). Philippe Hartmann réalise les travaux de relevage en février 1979.

Cliquez pour agrandir l'imageUne inscription au crayon sur la face interne gauche du buffet donne Meyer 1836. Témoin peut-être d'une réparation, mais pourquoi pas de la construction ? Ce que nous savons de Meyer, le devis "franco-italien" qu'il donne vers 1840 pour Sospel, sa connaissance des orgues italiens - mais non de la langue italienne, puisqu'il s'exprime toujours en français, français par ailleurs approximatif, la connotation germanique (suisse ?) de son nom, ses tendances apparemment conservatrices en facture : les indices offriraient une explication plausible des contradictions de l'orgue de Sainte-Catherine.

L'orgue doré. Une tradition attribuait à l'orgue de l'église paroissiale une origine turinoise, et à son donateur le titre de chanoine. Les archives paroissiales confirment bien que l'orgue se trouve à Turin lorsque la Fabrique reçoit l'heureuse proposition de Stefano Revelli qui, lui, de chanoine, devient liquorista ! Deux énigmes, toutefois, persistent : il ne fait pas de doute que l'instrument remonte à la seconde moitié du XVIIIe siècle, et le dessin caractéristique du buffet autorise une attribution à Gioacchino Concone. Mais, mais à quel facteur attribuer la totale reconstruction du corps sonore ? Derrière la montre, qui parlait à l'origine, mais se trouve aujourd'hui factice, se trouve, dans la même disposition, une montre véritable. L'opération remonte à la période piémontaise de l'instrument, puisque Stefano Revelli n'offre pas un buffet vide, le parfait ajustement de l'orgue au buffet, prouvant qu'il ne s'agit pas de la simple "mise en buffet" d'un instrument de récupération. René Saorgin détaille les indices d'un travail de style Pistoïais (Agati ?) : sommiers coulissants, porte-vent de section octogonale, première octave du Principale 8' en bois, postée sur une pièce gravée en arrière et en contrebas du sommier principal, coupure du clavier fort haute, dessin de la montre intérieure - et les traits, en revanche, qui ne correspondent en aucune manière aux usages de la facture, des frères Agati : faux-sommiers au-dessous de la bouche des tuyaux, pieds coniques des tuyaux en bois, de section carrée, aplatissage des lèvres...
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