LA BRIGUE

Cliquez pour agrandir l'image
L'orgue de La Brigue recèle une histoire à sa mesure : celle de l'instrument le plus grand du Comté si l'on excepte le Serassi de Nice, immolé sur les autels de l'esthétique symphonique française en 1901, et le Lingiardi de Cannes, profondément remanié. Heurts, complots, manigances, retournements de situation : rien ne manque
Mgr Galvano tient le premier rôle et pousse le conseil de Fabrique à l'acquisition d'un orgue proportionné à la grandeur de l'église, un orgue, sans qu'on le définisse explicitement, moderne. La commune voisine de Saorge assume intégralement le financement de l'orgue des frères Lingiardi (3700 lire pour l'instrument, 414,16 pour l'aménagement du buffet, 297,90 pour le transport, les taxes diverses, 207 pour le séjour des facteurs, soit 4619,06 lire). L'évêque n'en attend pas moins de la commune de La Brigue et, de fait, si la Fabrique supporte une part non négligeable des dépenses (buffet, tribune...) la commune s'exécutera pour 6000 lire - et n'en contribuera pas moins au décor de l'église, tel le baldaquin de bois doré...
L'Intendant paraît plus réticent, la situation financière de La Brigue ne se pouvant, dit-il, comparer à celle de Tende, qui accorde 1500 lire pour divers ajouts et réparations à l'orgue des Serassi, ou de Saorge. Mgr Galvano tempère également l'ardeur de la Fabrique dans sa course vers un orgue de plus en plus grand : l'église, écrit-il, étant actuellement dépourvue de toute sorte d'ornements, il ne conviendrait pas de la pourvoir d'un bel orgue alors qu'il lui manquerait ce qui est le plus nécessaire.

Lorsqu'en 1973 René Saorgin et Dominique Joubert effectuent le relevé de l'orgue de La Brigue, ils découvrent une console où trois et parfois quatre étiquettes recouvrent celles des Lingiardi. La planche de nom affirme l'intervention de Gandini. Restaurato nel 1925 della dita G. Gandini et Figlio Varese. L'ensemble des remaniements par Gandini ou ses prédécesseurs modifie sensiblement l'orgue des Lingiardi.
Clavier neuf de 58 notes, en ivoirine, qui ampute de l'octave courte le clavier des Lingiardi, remplacement du pédalier ancien par un pédalier à l'allemande
de deux octaves chromatiques, changement conséquent de l'abrégé de tirasse, installation d'une soufflerie nouvelle - 6 pompes alternées qu'entraîne un villebrequin - et disparition pour son logement, de deux des cinq soufflets des Lingiardi, suppression de l'abrégé des Campanelli...
La composition a perdu la Sesquialtera, la Viola, le Cornetto chinese, l'Ottavino, les Claroni, les deux derniers rangs du Ripieno (trigesima IIIa et VIa), sans compter les pédales d'appel des jeux de concert, la Banda Turca, la commande du Rollante, et autres accessoires. En échange, les tuyaux de la Viola, complétés par des tuyaux de zinc se partagent pour la pose d'une Gambe et d'une Voix célestes pneumatiques...
En 1957, Maurice Puget interviendra dans le Cornetto, coupera le Corno inglese en "Cromorne de 16", et dotera la soufflerie d'un bruyant moteur.
L'étendue des remaniements n'altère cependant pas le Ripieno et, les Lingiardi marquant les noms des registres sur le panneau intérieur de tirage des jeux ainsi que sur le faux-sommier, la composition primitive n'offrait aucun mystère, la découverte du projet daté de Saorge confortant, à l'exception de menus détails, l'examen de l'instrument. Par ailleurs, la proximité des orgues de Saorge, d'Alexandria et de Toria facilitait au restaurateur l'examen des plus sûrs modèles pour la reconstitution des jeux disparus. L'orgue de Toria, daté de 1850 porte le n° 91 dans la liste d'opus des frères Lingiardi et suit ainsi immédiatement son aîné de La Brigue dont il reproduit la composition à l'exception des Bassi armonici. Toutes les conditions se trouvaient réunies pour une restauration sans interprétation aléatoire, telle que devait la conduire Yves Cabourdin.


Orgues1